Je prends racine - Claire Castillon
"Je prends racine" de Claire Castillon (référence dans un article précédent du blog - Lectures à venir)
Je ne vais pas vous mentir en vous disant que ce livre est absolument génial, car ce n'est pas vrai, mais il mérite tout de même qu'on en parle un petit peu. Alors voilà...
Pas de difficulté de lecture particulière : un vocabulaire simple, une syntaxe
vive qui se rapproche parfois d'une langue plutôt orale. C'est un roman, mais
j'aurais tendance à le voir plutôt comme une longue nouvelle :
- personnages peu nombreux et identifiables (le patron, la DRH, les collègues
(un groupe qui forme en fait un seul personnage, comme un chœur de working
women insatisfaites de tout) ; les parents (bien sûr, pour une histoire de
vieille fille leur rôle est crucial!) et Cécile Valette, le personnage
principale.
- intrigue unique : Cécile Valette, « jeune vieille fille » qui ne
trouve pas l'amour, trouvera-t-elle donc l'amour?
- une chute : je ne vous dirai rien!
Dis comme ça, "Je prends racine" n'a pas l'air d'être un livre
fameux. Et pourtant, derrière la simplicité formelle, derrière les clichés
(nombreux) du patron sadique, de la DRH pas du tout bien dans sa peau, des
parents inquiets pour la vie amoureuse de leur fille, du vétérinaire beau et
inaccessible... Cette histoire reste agréable à lire. Je ne pense pas qu'après
la lecture vous vous direz : Whaouh c'est incroyable cette vision des
trentenaires qui ne trouvent pas chaussures à leur pied, je n'avais jamais
entendu parler d'un sujet aussi original!
Mais peut-être vous vous direz comme moi que Claire Castillon, l'auteur, a
réussi à saisir en quelques mots, en quelques phrases bien choisies, tout le
paradoxe de cette fille qui ne s'aime pas assez pour aimer réellement les
autres et pour les intéresser en retour et qui pourtant rêve de pouvoir un jour
changer. « Je prends racine » s'attaque à une grande question de
l'Homme : Veux-je changer ? Car entre nous, nous savons bien que nous le
pouvons. Ce n'est finalement qu'une question de lucidité et de volonté.
Avant de vous souhaiter une bonne lecture, quelques petites phrases que j'ai
aimée (il y en avait d'autres mais j'ai oublié de les écrire au fur et à mesure et je ne les retrouve pas...)
« Certains samedis, je cherche une bague. C’est affreux ce détail, je suis consciente de tout, mais je cherche, partout, une belle bague, celle qu’un homme aurait pu m’offrir, un anneau superbe, distingué, brillant, lourd. […] Et je rentre avec mon doigt doté d’une petite pierre moche montée sur un anneau trop jaune, trop gris, et je porte ma bague moche, et je me dis que je fais bien de ne pas avoir d’amoureux car il n’a aucun goût. »
« Ne pas aimer la compagnie, ne pas se forcer, trouver du niais là où le monde voit du sublime, ce n’est pas grave, c’est même bien. Mais trouver tout laid, sans plus savoir pourquoi, c’est pitoyable, et je suis devenue comme ça. »
« Quand je vois ces femmes miauler pour avoir des cadeaux, des sorties, des vacances superbes avec leur homme, je suis fière de ma solitude. Dans l’ascenseur, j’ai croisé une fille toute à l’heure qui montrait son nouveau sac et disait que ce soir elle tenterait une première tentative de conciliation, au moins pour que son mari lui en offre la moitié. Déjà, moi, si mon mari m’offre une moitié de sac, je ne lui offre plus que la moitié de mon cul, et d’abord je n’ai pas de mari et si j’en avais un, ce ne serait pas un rat, pour la bonne raison que je ne l’obligerait jamais à me payer des affaires. Les femmes sont des monstres, c’est pour cela qu’il n’y a plus d’hommes bien. »
« Je vais me concentrer sur Maxime Oliveri. J’y arriverai. Moi aussi je l’aurai mon demi-dîner, avec ma demi-chandelle, ma demi-bouteille de sancerre, mon demi-mal à l’estomac, mon demi-fraisier et mon quart d’amour. »
« les moulins brassent une eau boueuse perlant par tous mes interstices. Ma manœuvre est si longue pour changer le sens du vent. J'ai peur du risque connais trop mes silences, un jour je pourrai devenir folle si personne ne décide de jouer avec ma glaise. »
« D’autres, peut-être, comme j’aimerais, ça me toucherait… D’autres peut-être ont écrit dans un devoir d’histoire qu’au temps des premiers hommes étaient les Gaulois… Ils portaient des chapeaux pointus, rouges, des barbes blanches, et poussaient par paire sur les arbres, des saules pleureurs pour être précise. »